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[EDITO #67] Pourquoi il faudra quand même aller à Venise

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Tout a été dit et écrit sur ce qu’a failli être le pavillon officiel du Maroc à Venise. Est-il utile d’y revenir ? Peut-être. Qu’est-ce que la Biennale de Venise, au juste ? Une expo- sition ? Certainement pas. Une vitrine du pays ? Encore moins. Une fête de l’art ? Pas plus.

Venise, tous les deux ans, c’est le moment très précieux, dans un lieu que l’his- toire s’est choisi pour sa symbolique, où des nations se parlent de leur vision du monde. Un genre de Davos par l’art, en somme. Il n’y est pas du tout question, pour les pays qui y ont pavillon, de venir montrer son art, sa scène, et faire valoir son marché, mais plutôt de porter sa voix dans cette réduction géopolitique. Et si, au milieu d’avril, souvent sous une

pluie fine, on croit se promener innocemment dans la cité des Doges, entre l’Arsenale et les Giardini, en réalité on chemine dans un théâtre réduit de notre monde, où chaque pays ajuste son poids.

En 2022, en pleine invasion de l’Ukraine par la Russie, l’artiste ukrainien Pavlo Makov y exposait, dans le pavillon de son pays meurtri, sa sculpture La Fontaine de l’épuisement. Tout le monde parlait alors des conditions rocam- bolesques dans lesquelles la sculpture et son concepteur avaient pu sortir d’Ukraine. De leur côté, cette même année, le curateur et les artistes prévus pour représenter la Russie annulaient leur participation fin février, le pavillon russe demeurant fermé et sous haute garde pendant toute l’édition 2022.

En 2013, pour la première fois en 120 ans, France et Allemagne, ténors de Venise, créaient l’événement en échangeant leurs maisons ! Et la distance entre les deux pavillons, à peine 50 mètres dans les Giardini, avait été le moindre des obstacles. Mais l’on se souvient que cet acte, monté aux plus hauts niveaux des deux États, permettait aux artistes de poser la question des rapports entre nation, culture et mémoire.

À Venise, l’art est un prétexte pour parler du monde. Cette année, avec ce premier commissaire latino-américain Adriano Pedrosa, il sera question de cette notion très à la mode de « Global South ». Nous y verrons beaucoup d’artistes autochtones, autodidactes, issus de circuits non conventionnels de l’art. C’est dans l’air du temps : une fenêtre s’ouvre pour laisser entrer tous les invisibles du passé et rééquilibrer la carte du monde.

C’est la raison pour laquelle figureront dans l’exposition curatoriale de l’Arse- nale des œuvres d’artistes de l’École de Casablanca. Les visiteurs venus du monde entier pourront (re)découvrir Melehi, Chebâa, Hamidi et comprendre de quelle manière le Maroc post-Indépendance a inventé sa modernité à distance du modèle occidental. De même, pour avoir incarné la figure de l’artiste militant dans les années 1980, Mohamed Kacimi figurera aussi dans cette sélection des modernités non occidentales.

Allons à Venise, préparons-nous pour 2026. Et posons-nous cette question : qu’avons-nous à dire au monde ?

Meryem Sebti

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seisme maroc

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